Texte étudié :
Mais moi, qu'ai-je de commun avec ces femmes
inconsidérées ? Quand m'avez-vous vue m'écarter des règles
que je me suis prescrites et manquer à mes principes ? je dis
mes principes, et je le dis à dessein: car ils ne sont pas,
comme ceux des autres femmes, donnés au hasard, reçus
sans examen et suivis par habitude ; ils sont le fruit de mes
profondes réflexions; je les ai créés, et je puis dire que je suis
mon ouvrage.
Entrée dans le monde dans le temps où, fille encore, j'étais
vouée par état au silence et à l'inaction, j'ai su en profiter pour
observer et réfléchir. Tandis qu'on me croyait étourdie ou
distraite, écoutant peu à la vérité les discours qu'on
s'empressait de me tenir, je recueillais avec soin ceux qu'on
cherchait à me cacher.
Cette utile curiosité, en servant à m'instruire, m'apprit encore à
dissimuler: forcée souvent de cacher les objets de mon
attention aux yeux qui m'entouraient, j'essayai de guider les
miens à mon gré ; j'obtins dès lors de prendre à volonté ce
regard distrait que depuis vous avez loué si souvent.
Encouragée par ce premier succès, je tâchai de régler de
même les divers mouvements de ma figure. Ressentais-je
quelque chagrin, je m'étudiais à prendre l'air de la sécurité,
même celui de la joie ; j'ai porté le zèle jusqu'à me causer des
douleurs volontaires, pour chercher pendant ce temps
l'expression du plaisir.